Promenade des Anges souhaite profiter de la campagne pour interpeller les candidats
à la présidentielle. Sur la formation, mais aussi sur le “tsunami social” dans lequel
est plongée une partie des victimes. Le manque d’aide matériel pèse lourdement sur
des gens qui n’ont plus la force d’aller au travail, enfermés dans la peur,
la dépression ou la douleur. Résultat, les arrêts de travail se multiplient,
et les licenciements aussi.
Jean, lui, ne s’arrête pas de travailler. Il sait que s’il s’arrête, il ne reprend plus.
Mais ce n’est pas pour lui qu’il a pris rendez-vous avec l’association ce jour là. C’est
pour accompagner sa femme qui ne se remet pas de la perte de sa cousine. Lui enrage.
Il aimerait pouvoir rentrer dans la police mais les portes restent fermées, faute de diplômes. “Il manque du personnel, des moyens et pourtant on m’empêche de rentrer.
Il faudrait construire des écoles de police dans chaque département, mais l’Etat ne met pas l’argent pour”, dénonce-t-il, en se tenant en retrait du rendez-vous de sa femme, gardant en permanence un oeil sur ses trois enfants. Jean se demande pourquoi on est allés faire la guerre “là bas, en Syrie”. “Les politiques eux ne craignent rien, c’est nous qui craignons”, dit-il.
Depuis l’attentat, il fume 2 paquets de cigarettes par jour, dort mal et surtout n’ose plus sortir ses enfants. “Je ne les ai pas emmenés à Noël, et je ne les emmènerai pas au carnaval”. Peu importe que la mairie mette aujourd’hui en place un système de sécurité équivalent à ceux des aéroports pour chaque événement de ce type. Le traumatisme causé par la mort de 13 enfants lors de l’attentat laisse des séquelles très profondes.
Le monument spontané érigé par les habitants est formé d’un amas de poupées et de nounours souriants et multicolores. Après avoir fait circuler un questionnaire sur la sécurité, la mairie a déployé des vigiles devant chaque école. Une demande récurrente des 2.200 - sur 173.000 - habitants qui ont répondu. Les vigiles doivent être progressivement remplacés par les policiers nouvellement recrutés.
Jean ne veut pas donner l’image d’un père qui a peur.
A ses enfants, il invente des excuses à chaque fois qu’il leur refuse une sortie. Pour l’instant, il ne veut pas déménager, il ne veut pas fuir. Mais s’il n’arrive pas à se remettre des images qu’il a vues, il ira à Poitiers. Là où la seule chose que l’on peut croiser dans
son jardin, c’est la vache du voisin. Pourtant, la mort il connaît.
Il travaille dans une société de pompes funèbres. Après avoir trié les survivants des morts le soir du 14 juillet, il a enterré les morts les jours suivants. Mais ça, il ne veut plus avoir à le faire.